Hubert Renard Inventaire général des croisements, 2025
Spécifications
Classeur contenant 75 feuillets A4
Format du classeur : 35 x 30 x 6 cm
Format de l'étui : 36 x 30,4 x 6,8 cm
Production
8 exemplaires signés et numérotés par l'artiste + 1 E.A.
Produit par mfc-michèle didier
Pendant de nombreuses années, mon travail s'est évertué à faire exister l'oeuvre d'un artiste qui porte mon nom et qui a vécu et travaillé à la fin du XXe siècle, environ dix ans avant moi, en constituant patiemment et méthodiquement ses archives. Photographies d'exposition, cartons d'invitation aux vernissages, articles de presse, catalogues d'exposition, toutes les traces qui attestent de l'existence d'une oeuvre, en dehors de l'objet d'art lui-même, ont été produites, éditées, inventées de toutes pièces. Jusqu'à la publication par mfc-michèle didier du catalogue raisonné de ce travail, ouvrage scientifique et exhaustif qui inventorie et authentifie l'oeuvre complète de l'artiste. Ces archives décrivent un parcours qui suit les modes et l'esprit de son temps, et qui fait d'Hubert Renard un artiste moyen : il n'est peut-être pas une figure majeure de l'art mais il est toujours « au goût du jour ».
Ce travail n'a existé au monde réel qu'en modèle réduit, pour être photographié, avant de disparaître physiquement, anéantissant tout objet matériel au profit de documents, d'archives, de témoignages, de récits. Il se présente donc sous forme d'expositions documentaires, de publications, de conférences : il n'y a pas d'objet d'art, il n'y a que des reproductions, des commentaires, de l'ekphrasis. Depuis quelques années, Hubert Renard s'est arrêté de produire, soit parce qu'il s'est retiré du monde de l'art, soit parce qu'il est mort, nul ne le sait. Je continue néanmoins à utiliser ses archives dans différentes propositions, ce qui me permet de jouer encore et de bousculer les questions liées à l'ontologie de l'art, ses modes de monstration, de production, de diffusion, sa signature, son enregistrement, ses discours, sa conservation, sa disparition…
Le projet « Croisements d'archives » consiste à établir des ponts et imaginer des liens entre deux archives de nature différente : les miennes, qui documentent la carrière de l'artiste fictif Hubert Renard, et des archives historiques parfaitement identifiées et officielles. Repérer les documents de l'une qui donnent des informations sur l'autre et inversement. Croiser le réel et la fiction. Je compte faire cette recherche avec des archives institutionnelles ou privées : des musées, des galeries, des collectionneurs, des institutions culturelles, des fonds documentaires conservés ici ou là.
Il faudra rechercher les zones d'ombres, les champs d'incertitudes, les absences que toutes archives recèlent. Je suis toujours surpris par la rapidité avec laquelle se dégradent les souvenirs. Des évènements parfois récents recèlent nombre d'incertitudes ou d'oublis. Il suffit de quelques années pour que des enregistrements ne soient plus identifiables ou que des images aient perdu leurs références. Et on trouve ainsi très vite des lacunes, des photographies aux sujets pas complètement identifiés, par exemple une image montrant trois personnages sur la terrasse d'une maison et dont la légende indique : « Constantin Brancusi, Marcel Duchamp, Mary Reynolds, et une femme non-identifiée à Villefranche, France, 1931. »[1]
Je ne peux alors m'empêcher de rêver une identité à cette inconnue parmi les gens connus, dans des lieux et à une époque repérée. Envie de rendre à ce fantôme une vie réelle, un récit biographique, une existence repérable. Au passage, c'est aussi une volonté de parfaire une histoire incomplète, de combler des lacunes, d'éclaircir des approximations, et l'on sait les dangers d'une telle démarche. Entre les corrections d'archives et leurs manipulations, entre la découverte de nouveaux témoignages et la réécriture de l'histoire, la limite est fragile. Il s'agira donc d'interroger cette frontière et de constater ou non sa porosité.
Je compte m'intéresser aux figures non identifiées sur les photographies, aux personnages cités dans les documents mais complètement inconnus, aux lieux, aux objets ou aux événements indiqués mais sans aucune référence permettant de les retrouver ou de les localiser. Mes archives étant fictives, elles peuvent encore être modifiées, révisées, ajustées (bien que de nombreux éléments édités deviennent pérennes et fixes) : il me sera alors facile de reconnaître ces inconnus comme des personnes ayant un rôle dans le parcours artistique ou biographique d'Hubert Renard, de localiser tel lieu comme un lieu que Hubert Renard a occasionnellement ou régulièrement fréquenté, ou bien encore de me souvenir que le célèbre artiste a participé à tel événement cité sans aucune référence précise dans les archives officielles.
Ce travail doit être un va et vient, un véritable échange, et il me faut donc obtenir l'autorisation des archives extérieures d'enregistrer les compléments d'information qui viendront éclairer des pans restés obscurs, préciser des documents incomplets ou mal référencés. De mon côté, j'enregistrerai, essentiellement par la photographie, mais aussi par toute trace documentaire adaptée, ces pièces qui complètent l'histoire d'Hubert Renard, puisque évidemment les documents originaux resteront dans leurs archives d'origine.
C'est donc un travail de recherche documentaire, qui passera essentiellement par des photographies des pièces d'archives, photographies de photographies dans leur boîte de conservation, d'articles dans leur classeur de rangement, de documents dans leur pochette de classement. Ces images accompagnées de leur légende pourront se décliner sous forme d'exposition ou bien d'édition, en fonction de l'ampleur du récolement effectué et des possibilités qui se présenteront. J'envisage aussi par la suite, lorsque l'expérience aura été menée dans diverses archives, de rassembler tous ces croisements dans une exposition ou bien un livre.
Le choix d'une archive plutôt qu'une autre sera dicté par l'envie de me frotter à une institution historique et prestigieuse ayant un lien plus ou moins fort avec le travail d'Hubert Renard. Utiliser son incontestable réalité mais aussi sa notoriété pour valider mon récit. Il me faudra à chaque fois considérer l'accessibilité de ses archives, les limites que les documentalistes m'imposent, et prévoir un protocole établissant les règles de mon intervention. Ce croisement d'archives est évidemment une recherche qui tourne autour de la légitimation du travail artistique. L'autorité des archives historiques en repérant des éléments biographiques d'Hubert Renard, apporteront à son récit une véritable caution. De même que l'introduction de pièces issues de ces archives célèbres dans les archives de l'artiste fonctionnent comme une note réaliste, les rendant plus véridiques, toute fiction ayant besoin de points d'ancrage bien réels pour crédibiliser le récit, pour lui donner le poids de la réalité. Si on peut objecter que l'introduction d'une toute petite part de fiction dans de véridiques archives risque de discréditer l'entreprise scientifique et rationnelle d'enregistrement de son histoire, je rétorquerais que, d'une part, la fiction repérée ne nuit pas à l'objectivité de l'enregistrement, et que d'autre part, ce travail permettra de réduire quelques manques de référencement des archives, les rendant du coup plus complètes et plus sérieuses. Il faut toujours négocier avec le réel.
[1] Archives du Philadelphia Museum of Art, sur le Portail de recherche Duchamp, www.duchamparchives.org
30 x 22 cm
30 x 22 cm
5 x 10,5 x 10,5 cm
3,5 x 18 x 24 cm
70 x 50 cm
70 x 50 cm
70 x 50 cm
70 x 50 cm
70 x 50 cm chaque
70 x 140 cm chaque
Dimensions variables
39 x 29 x 6,5 cm
19 x 14 cm
30,5 x 22,3 x 4,1 cm
30 x 24 cm
70 x 50 cm
70 x 50 cm
70 x 50 cm
22,5 x 16,5 cm